Cameroun
Le gouvernement camerounais et plusieurs figures de la contestation séparatiste des deux régions anglophones de l’ouest pays ont entamé jeudi des discussions à Yaoundé sur un cessez-le-feu, une première depuis le déclenchement de ce sanglant conflit il y a trois ans.
Dans ces deux régions, où vit la majorité des anglophones du pays, l’armée et des groupes séparatistes s’affrontent quasi quotidiennement depuis fin 2017, prenant en tenaille les civils, victimes d’exactions des deux camps.
En dépit de nombreuses pressions internationales, aucune discussion entre des leaders séparatistes et Yaoundé n’avait jamais eu lieu auparavant, du moins officiellement.
“Neuf d’entre nous ont rencontré une équipe de la République du Cameroun, pour initier un cessez-le-feu suite à l’appel de l’ONU”, a déclaré vendredi le principal leader séparatiste anglophone, Julius Ayuk Tabe, dans un message transmis à l’AFP par son avocat.
Ces neuf leaders anglophones sont membres du “gouvernement intérimaire de l’Ambazonie”, l’Etat indépendant que veulent créer les séparatistes. Ils sont tous détenus à la prison centrale de Yaoundé, où certains purgent des peines d’emprisonnement à vie, condamnés en août 2019 pour “terrorisme”.
“Les détails” de ce cessez-le-feu “sont toujours en cours de discussion et nous vous tiendrons informés lorsque des avancées significatives auront été faites”, a ajouté M. Ayuk Tabe, réaffirmant son attachement à “l’indépendance” de ces deux régions.
Cette rencontre et ces discussions ont été confirmées vendredi à l’AFP par un haut responsable de l’ONU sous le couvert de l’anonymat.
Contactées par l’AFP, les autorités camerounaises n’ont ni confirmé, ni infirmé cette information.
Depuis des années, la minorité anglophone s’estime lésée par rapport aux francophones, majoritaires, dans ce pays où anglais et français sont les langues officielles.
Fin 2017, après des mois de manifestations d’avocats et d’enseignants anglophones réprimées férocement par le pouvoir dans ces deux régions, des séparatistes ont pris les armes contre Yaoundé.
Depuis, ce conflit a fait plus de 3.000 morts et forcé plus de 700.000 personnes à fuir leur domicile, selon des ONG internationales.
Bombe artisanale
Yaoundé a toujours refusé de négocier avec les principaux leaders de la contestation.
En octobre, le pouvoir avait toutefois, sous pression internationale, organisé un “grand dialogue national”. Mais ce dialogue n’avait pas ramené la paix, bien au contraire : la plupart des groupes séparatistes avaient refusé d’y participer, arguant notamment du fait que la plupart de leurs leaders se trouvaient toujours en prison.
En mars, les Nations unies ont appelé à un cessez-le-feu dans ces deux régions, notamment pour mieux combattre l‘épidémie du nouveau coronavirus. Mais cet appel était jusqu’ici resté lettre morte sur le terrain.
Les opérations militaires semblant même, au contraire, s’intensifier. Mi-juin, l’armée camerounaise a affirmé avoir tué 24 séparatistes au cours de deux raids distincts.
L’annonce de discussions entre les deux camps en vue d’un cessez-le-feu est donc une surprise.
Les leaders séparatistes, dans un communiqué transmis à l’AFP, affirment “qu’une guerre ne s’est jamais finie sur un champ de bataille”, et “qu’une paix durable et réelle ainsi que l’indépendance ne pouvaient s’obtenir qu‘à la table des négociations”.
Dans ce texte adressé à leurs militants, ils martèlent leur attachement à “l’indépendance”, et assurent avoir avisé les autres dirigeants de la cause séparatiste en ce début de discussions.
Un communiqué qui se veut rassurant, notamment à l’endroit de leurs “héros”, qui sont plusieurs fois félicités pour leur “abnégation” et leur “sacrifice” sur le terrain.
La contestation anglophone au Cameroun est disparate, divisée en plusieurs mouvements. Les plus radicaux, dont ne fait pas partie “le gouvernement intérimaire de l’Ambazonie”, refusent toute négociation ou discussion avec le pouvoir.
La divulgation de ces discussions — censées rester initialement secrètes — intrigue alors que jeudi soir une bombe artisanale a explosé dans un quartier populaire de la capitale.
L’attaque, qui n’a pas été revendiquée, a fait quatre blessés. En juin, “deux engins explosifs improvisés” avaient déjà été activés à Yaoundé, selon une note interne de police consultée par l’AFP.
La capitale camerounaise est restée jusqu’ici épargnée par le conflit séparatiste anglophone, de même que par les attaques meurtrières du groupe jihadiste Boko Haram qui ensanglantent le nord du pays depuis six ans.
AFP
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